mercredi 27 avril 2011

JUSTE LA FIN DU MONDE... AUX MARTYRS

J'ai vu hier soir, au théâtre des Martyrs à Bruxelles, la première de la pièce JUSTE LA FIN DU MONDE de Jean-Luc Lagarce, dans une mise en scène de Philippe Sireuil. Je suis très sensible à l'écriture singulièrement intimiste de cet auteur et avais déjà vu (au moins) trois créations de ce texte, dont l'initiale de Joël Jouanneau en 1999. Je me demandais ce que cette Xe version allait m'apporter, outre le plaisir de voir en scène des comédiens que j'apprécie.

La réponse est claire : beaucoup ! Le metteur en scène a choisi un ton et une énergie qui contrastent avec le côté feutré de certaines versions. Il faut dire que le spectacle est porté par cinq comédiens au talent confirmé qui, tous, explorent à fond leur personnage dans une ligne directrice que l'on devine mûrement pensée et clairement dirigée. La présence physique des personnages coincés dans des costumes intelligemment connotés en dit déjà long sur ce qu'est cette famille. 
Le rôle du frère est ici exacerbé dans une sorte d'hystérie agressive qui donnent aux mots un relief inattendu et au personnage une douleur profonde et pathétique déplaçant le centre de gravité de la pièce. 
Même approche pour la jeune soeur qui tente de profiter de la présence du revenant pour se restructurer et mettre sur la table sa soif cachée d'autonomie. 
La mère,elle, perd peu à peu le sens des réalités et s'envole vers on ne sait quel nuage la mettant partiellement à l'abri de la triste collision des membres d'une famille meurtrie par l'absence, la distance, le silence, le non-dit... et surtout une incompréhension viscérale. 
La belle-soeur, un temps attirée par ce nouveau venu dont elle a tant entendu parler, quittera son sourire de façade pour pousser, avec une autorité presque glaciale, celui qui réveille trop de plaies mal cicatrisées à retourner d'où il vient. 
Enfin, lui, le visiteur, lui qui sait qu'il va mourir bientôt, contraste complètement avec le jeu extraverti de tout ce petit monde en subissant les coups presque sans réagir, incrédule devant la tempête que son retour ravive... et découvrant combien il a perturbé son monde avant de prendre le large.

Le public, par ses rappels, a clairement montré qu'il avait été sensible à la richesse de la pièce et aux options de la compagnie. Il faut aller voir ce spectacle.


Bravo à Edwige Baily, Philippe Sireuil,Itsik Elbaz, Anne-Marie Loop, Thierry Lefevre et Catherine Salée.

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