C'est à travers le Prix Annick Lansman que j'avais découvert une première version de LA VILLE EN ROUGE de Marcelle Dubois. Depuis, le texte a évolué et nous venons de le publier. Inutile de dire, donc, que j'étais anxieux de voir ce que Le Théâtre du Gros Mécano en avait fait.
Je n'ai pas été déçu. Ce récit initiatique (voir ce que j'écrivais hier à propos de L'OCEANTUME) est un vrai défi de mise en scène et donnera sans doute vie à pas mal de propositions scéniques différentes. Si l'on considère donc qu'il s'agit d'une approche possible parmi d'autres, cette première création nord-américaine se révèle inventive et intelligemment rythmée. Le caractère des personnages est rendu avec habileté et leur solidarité évidente dans l'épreuve malgré la déception de l'échec. "Révolution" avortée mais bien plus qu'une simple fugue : Flé et ses amis sortent grandis de l'aventure et, en quelque sorte, de leur propre enfance pour s'engager sur le chemin des responsabilités.
Pour LUNA, DANS LES YEUX DE MON PERE, c'était une toute première représentation. Nous laisserons donc au Théâtre Motus le bénéfice de cette fragilité d'un spectacle trop neuf. Dans l'imaginaire d'une petite fille à qui son père raconte, dans ses lettres, sa découverte d'un autre monde où il espère la faire venir, les images les plus fantaisistes prennent corps en un ballet d'êtres fantastiques. L'idée est excellente, les images rêvées inventives et artistiquement performantes, mais la cohérence des deux univers moins évidentes. Gageons que le fossé entre ces deux facettes pourra sans doute s'ajuster rapidement, alors que le côté prévisible du récit ou tout est dit aura, lui, beaucoup de difficultés à évoluer.
A revoir avec curiosité dans quelques temps... si l'occasion se présente.
J'avais vu LA ROBE DE MA MERE, de l'Arrière-Scène, à la création. Je n'en gardais pas une trace précise en mémoire. C'est donc avec des yeux presque neufs que j'ai revu ce spectacle qui distille des souvenirs d'enfance par petites touches sensibles et inspirées. C'est drôle et tendre, lorgnant parfois vers une forme d'absurde qui superpose la banalité du quotidien et la flamboyance d'une mélodie sublimée. Le (jeune) spectateur devra faire un bout de chemin pour appréhender les enjeux de ce qui se passe... car tout ne lui est pas livré sur le plateau. A lui de déchiffrer, de rechercher les indices, d'établir les rapports subtils pour jouir pleinement de cette sympathique énigme du rapport entre les personnages. Ce spectacle est inclassable, c'est une de ses principales richesses, avec la qualité d'interprétation, le texte sobre et énigmatique, et le choix des enjeux.
Pour terminer la journée, j'avais fait le choix d'un spectacle off-Cinars : UN, de et avec Mani Soleymanlou. Je ne l'ai pas regretté. Ce seul en scène, partiellement autobiographique, révèle à la fois la puissance de l'acteur et la sensibilité de l'auteur qui nous parle de ses exils successifs faisant de lui partout "celui qui vient d'ailleurs, l'autre". Et ce d'autant que, à chaque coin de rue, on lui impose - exotisme oblige - de se situer, de se raconter, d'assumer ses origines même si le fil qui y conduit a été brisé par les petits et grands évènements de la vie. En quelques phrases, le décor est planté... et on comprend très vite que tout se jouera dans la nuance, la colère rentrée et le non-dit, bien plus efficace que si on servait tous les plats en n'oubliant aucun détail. Comment peut-on être iranien aujourd'hui ? La question restera posée bien après le mot de la fin. Même si on devine un profond amour de ce pays qui fut celui de son enfance et plus tard une terre de vacances à l'adolescence.
Je l'affirme sans hésiter : j'ai été à la fois bouleversé et profondément séduit par ce spectacle et par son auteur-interprète dont j'avais par ailleurs déjà repéré le talent précédemment dans d'autres productions comme L'AFFICHE de Philippe Ducros par exemple.
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