En complément de l'édition du texte DEUX VALISES POUR LE CANADA, de Layla Nabulsi (collection commune avec la CTEJ), il m'a été demandé d'écrire une postface s'adressant aux jeunes lecteurs du livre et tentant de casser les idées reçues et préjugés à propos des migrants. Difficile d'être objectif sur un sujet aussi sensible et en aussi peu de lignes pour étayer les propos, mais je n'ai pas fui mes responsabilités.
Ce texte est certes critiquable ; je pense cependant qu'il a au moins le mérite d'amener les enfants à mieux saisir certains aspects de ce phénomène loin d'être nouveau... et de ne concerner que nos pays européens. Le rappel de l'exode des Belges au début de la guerre 40-45, évoqué notamment dans JOSETTE, de Martine Godart et Vincent Raoult (pour le même public), constituera un autre point d'encrage pour les jeunes.
Ce texte est certes critiquable ; je pense cependant qu'il a au moins le mérite d'amener les enfants à mieux saisir certains aspects de ce phénomène loin d'être nouveau... et de ne concerner que nos pays européens. Le rappel de l'exode des Belges au début de la guerre 40-45, évoqué notamment dans JOSETTE, de Martine Godart et Vincent Raoult (pour le même public), constituera un autre point d'encrage pour les jeunes.
J'ai aussi la prétention de croire que cette courte postface aidera certains adultes à affiner leurs réflexions sur le sujet.
Emile Lansman
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Si l'on en croit les statistiques publiées par l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés*, plus de soixante-huit millions de personnes avaient, à la fin de l'année 2017, été chassées de leur lieu de résidence par la guerre, la violence et les persécutions. Cela représente six fois le nombre d'habitants en Belgique, ou encore la population totale de la France.
Près de la moitié de ces hommes, femmes et enfants n'ont pu se trouver une place dans une autre région de leur pays et ont fui à l'étranger. Rien qu'en 2016, trois millions de personnes ont ainsi passé les frontières. Mais contrairement à ce que certains affirment, une grande partie de ces migrants n'ont qu'un seul espoir : pouvoir rentrer chez eux et reprendre une vie normale là où ils habitaient jusque-là. Quatre réfugiés sur cinq restent d'ailleurs pour cette raison dans des régions frontalières de leur pays d'origine.
S'imaginer que tous ces naufragés de la vie se retrouvent dans nos pays européens ou en Amérique du Nord est une idée fausse. Les plus grands camps de réfugiés sont en Afrique, mais on en parle très peu.
A côté de celles qui se lancent sur les routes parce que leur vie est directement mise en danger par les conflits armés touchant leur région, il y a aussi de nombreuses personnes, surtout des jeunes hommes et femmes, qui fuient l'absence de perspectives d'avenir (la malnutrition, le chômage perpétuel, les conditions de travail relevant parfois de l'esclavage, etc.) pour essayer de trouver "l'Eldorado" où elles pourront s'installer et se construire une nouvelle vie dans de bonnes conditions.
Mais en se lançant sur les routes ou sur la mer, toutes sont souvent peu conscientes de ce qui les attend.
Victimes de passeurs peu scrupuleux, voyageant dans des conditions pénibles au péril de leur vie, ces personnes finissent - si elles ont beaucoup de chance - par se retrouver aux portes de pays qui sont peu ou pas du tout heureux de les voir arriver. Parce qu'une partie des habitants craignent de perdre certains avantages sociaux, de voir les postes de travail occupés par des étrangers acceptant des salaires plus bas, de devoir renoncer à leurs pratiques culturelles et à leurs traditions parce qu'elles seront "contaminées" par les coutumes et croyances des "envahisseurs".
D'autres malheureusement ont moins de chance. Ainsi, au cours de la dernière décennie, des dizaines de milliers de migrants et réfugiés ont trouvé la mort alors qu'ils tentaient de rejoindre l'Europe**. Tous n'ont pas péri en mer. Certains ont été tués sur la route des Balkans, en Libye ou encore à Calais. D'autres encore se sont donné la mort. Et il en est sans doute ainsi sur d'autres continents.
A ceux qui parviennent en fin de compte à obtenir un statut de réfugié, il faudra bien des efforts et du courage pour se faire une vraie place dans leur nouveau pays. Car ils seront en butte au mieux à une certaine indifférence teintée de la peur de l'inconnu, au pire à un racisme plus ou moins exprimé. Sans parler de l'exploitation de leur "fragilité" sociale et économique pour leur proposer des conditions de travail - souvent les tâches les plus pénibles et les moins valorisantes - à la limite de la décence, voire carrément pour les exploiter dans des activités illégales de travail au noir, de trafic de drogue, de prostitution, de banditisme ou de terrorisme.
Une chose en tout cas est certaine : à l'image de ce que raconte Deux valises pour le Canada, personne ne devient réfugié vraiment par choix. Par contre, ceux qui vivent dans les régions où les réfugiés arrivent ont, eux, le choix de les aider (ou non) à s'installer et à trouver leurs marques. C'est la plupart du temps grâce à ces premières manifestations de soutien que les nouveaux arrivants parviendront à cette "nouvelle vie" qui les a guidés durant leur migration.
Emile Lansman (2018)
* UNHCR, 19 juin 2018
** The Guardian, 20 juin 2018